Dis-lui que plus il ne retourne
Mais bien qu’en sa place séjourne
Au haut du front je ne sais quoi
De creux, à coucher tout le doigt,
Et toute la face séchée,
Devient comme une fleur touchée
Du soc aigue : dis-lui encor
Qu’après qu’elle aura changé l’or
De ses blonds cheveux, et que l’âge
Lui aura crêpé le visage,
Qu’en vain lors elle pleurera
De quoi jeunesse elle n’aura
Pris les plaisirs qu’on ne peut prendre
Quand la vieillesse nous vient rendre
Si froids d’amours et si perclus,
Que les plaisirs ne plaisent plus.
Mais, Rossignol, que ne vient elle
Maintenant sur l’herbe nouvelle
Avecque moi dans ce buisson,
Au bruit de ta douce chanson
Je lui ferais sous la coudrette
Sa couleur blanche, vermeillette.
Pierre de Ronsard, Ode à un rossignol, Les Amours, 1554