La vie du Prieuré

Durant LE PRINTEMPS DES POÈTES, le Prieuré Saint-Cosme et le MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE TOURS font dialoguer leurs collections sur le thème de « l’éphèmère » ! Quand Pierre de Ronsard ou un membre de la Pléiade rencontre un tableau exposé dans les salles du Musée des Beaux-Arts, ça donne quoi ?

 

 

Lucien-Alphonse DAUDET

Paris, 1878 - Paris, 1946

Fritillaires et magnolias

Huile sur toile

Don Cadoret, 1986

 

Second fils de l’écrivain Alphonse Daudet, Lucien pratique l’écriture comme ses parents et son frère aîné, mais aussi la peinture.

Attiré par le règne végétal qui triomphe dans la littérature et les arts décoratifs autour de 1900, l’artiste livre ici une version stylisée d’un bouquet de fleurs.

La composition semble être une référence à la peinture de l’Europe du nord par l’usage du reflet de la fenêtre sur la panse du vase mais aussi d’inspiration orientale. C’est bien le motif japonisant de la tenture (ou paravent) qui a retenu notre attention à l’occasion du Printemps des poètes 2022. En effet, derrière les fritillaires, un dragon tenant dans ses griffes un oiseau semble sortir du vase.

Faisons preuve d’espièglerie : et si c’était le rossignol échappé d’un poème de Pierre de Ronsard ?

N’hésitez pas à venir au musée découvrir cette œuvre sortie des réserves il y a quelques mois seulement !

 

Gentil rossignol passager,

Qui t’es encor venu loger

Dedans cette coudre ramée

Sur ta branchette accoutumée,

Et qui nuits et jours de ta voix

Assourdis les monts et les bois

Redoublant la vieille querelle

De Térée et de Philomèle

Je te supplie (ainsi toujours

Puisses jouir de tes amours)

De dire à ma douce inhumaine,

Au soir quand elle se promène

Ici, pour ton nid épier

Qu’il n’est bon de trop se fier

En la beauté, ni en la grâce

Qui plus tôt qu’un songe se passe

Dis-lui que les plus belles fleurs

En janvier perdent leurs couleurs

Et quand le mois d’Avril arrive

Qu’ils revêtent leur beauté vive.

Mais quand des filles le beau teint

Par l’âge est une fois éteint

 

Dis-lui que plus il ne retourne

Mais bien qu’en sa place séjourne

Au haut du front je ne sais quoi

De creux, à coucher tout le doigt,

Et toute la face séchée,

Devient comme une fleur touchée

Du soc aigue : dis-lui encor

Qu’après qu’elle aura changé l’or

De ses blonds cheveux, et que l’âge

Lui aura crêpé le visage,

Qu’en vain lors elle pleurera

De quoi jeunesse elle n’aura

Pris les plaisirs qu’on ne peut prendre

Quand la vieillesse nous vient rendre

Si froids d’amours et si perclus,

Que les plaisirs ne plaisent plus.

Mais, Rossignol, que ne vient elle

Maintenant sur l’herbe nouvelle

Avecque moi dans ce buisson,

Au bruit de ta douce chanson

Je lui ferais sous la coudrette

Sa couleur blanche, vermeillette.

 

Pierre de Ronsard, Ode à un rossignol, Les Amours, 1554